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Il semble qu'écrire consiste à essayer de parler à l'instant où parler semble impossible.
1 octobre 2009

(ce serait un premier morceau)


Il y avait comme une urgence en moi ce jour-là. Orange, elle était. Je la ressentais de cette couleur-là, ne me demandez pas d’expliquer pourquoi. Les talons de mes phrases étaient bien trop élevés, ils s’écrasaient sur les pavés – je me disais, je mens. L’étalon de mes phrases était trop mal élevé, il s’écrasait sans avancer, je me disais jument. J’avais des choses à exprimer, à expirer. J’aurais aimé être inspirée, savoir comment vous aspirer. Dans ma précipitation d’expression j’avais égaré l’intuition de mon inspiration, je cherchais une occupation. Il faut trouver de l’air, l’ajouter à l’emphase – je me disais, il faut bâtir des phrases. Nous sommes sur terre, coupons les ailes, je pensai – les lettres deviendront des êtres, je me servirai de femmes en guise de flamme, je songeai – on brûlera le temps qui vacille à l’aide de cocktails enflamment nos pupilles, j’espérais. Sur un banc, je m’assis, il devait être onze heures et demi. Une demoiselle à la jupe de dentelle entra dans une cabine téléphonique. Je l’observai sans concentration en rêvant d’une part de tarte à l’épaisse garniture de citron. Elle rougit au fil de son cordon, la femme, au bout du fil ses joues hurlaient le triste frisson. Bientôt, des larmes nagèrent la brasse coulée dans son cou dénudé. Je me dis : la cabine va se remplir de son émotion, elle va finir par se noyer de son propre désespoir, elle finira par couler comme un glaçon. Je me dis : il faut la secourir, où peut-on dénicher un masque et un tubas, ce n’est plus l’heure de rire, elle va mourir. Je me sentais un peu alarmé, je me sentais tout à fait rassuré ; les phrases avaient cessé de m’échapper, vous comprenez, j’avais quelqu’un à sauver, je me sentais occupé, j’étais comblé. J’ai couru, très rapidement, j’avais les poils qui dansaient la polka au gré au vent. Je n’avais plus de pensées à offrir, ce n’était plus la saison – à défaut je concoctai un bouquet de sensations. Ca aussi je lui offrirai, je lui offrirai et elle se dira, mais il est incroyable ce jeune homme là, pourquoi pleurai-je déjà des gens existent dans le monde j’aime les immeubles qui s’envolent et les peaux que l’on frôle, je me croyais seule mais c’est un leurre dîtes monsieur je vous offre une boîte de petits beurres, point d’interrogation. Mais c’est évidemment à cet instant là que mon téléphone sonna. Une atroce sonnerie qui fait inévitablement sursauter et ferait se briser un morceau de cristal dans un appartement vous savez, juste à l’entrée. Un abominable appel en numéro privé, comment, un rendez-vous avec la banque, là, maintenant ? dans une heure si je veux ? J’ai pensé : mais je ne veux pas, une femme s’apprête à mourir devant moi, il me faut un masque et tuba, je, comment, vous ne comprenez pas ? J’ai dis : Ah, non, là, je suis débordée. On a du penser : Peu importe, nous sommes payés pour vous voir, nous on s’en fiche, fiche à remplir très exactement, c’est tout ce qui importe, combler le temps avec des petits numéro sur la feuille, au recto, un autre rendez-vous n’importe quand, un autre soir, on veut vous voir. Je me dis : Là, je dois absolument la sauver, après, peut-être qu’avec elle je me marierai. Je dis : D’accord, plus tard si vous voulez. Je raccroche et d’une tierce reprend ma mélodie du sauveur. Un masque, un tuba, dans la quincaillerie il y en a. Entrée, sonnette, j’achète, l’argent, le ticket, le froissé, la porte, sonnette, sortie, pavés. La femme est toujours dans sa cabine et pleure de plus en plus belle, de plus en plus jolie. Je lui ai fais signe de la main, le cygne était blanc il s’est mis à danser un bonjour incertain. Elle n’a pas tourné le visage, elle n’a pas souri, elle n’a pas sauté dans un nuage, elle ne s’est pas enfuie. Elle a raccroché, elle s’est approchée – oh, c’est pour moi ? elle a dit sans s’étendre, d’une voix tendre, et sans attendre elle a pris.

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